Réflexions sur la lecture

FAITES-LES LIRE. Pour en finir avec le crétin digital. Michel Desmurget
de Olivier Delahaye

Malgré son titre, Faites-les lire !, ce nouveau livre du docteur et chercheur en neurosciences Michel Desmurget n’est pas un cri du cœur, mais le fruit d’un travail scientifique de longue haleine. Selon sa méthode, bien éprouvée dans ses précédents ouvrages, Michel Desmurget, avec l’humilité des véritables hommes de science, ne met pas son égo ni ses opinions en avant ; il a recueilli  pendant des années des données issues de la recherche scientifique sur la lecture et c’est la synthèse de ces données qu’il organise et nous présente dans ce livre. Chaque affirmation sur la lecture est étayée par des études menées ici ou là dans le monde depuis des décennies jusqu’à aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle ce livre peut faire date ; sa lecture sera précieuse pour toute personne convaincue de l’importance de la lecture dans le développement des individus, et de ses bénéfices multiples en matière scolaire autant que sociale. Michel Desmurget ne vient pas seulement en renfort aux nombreux amoureux des livres et de la littérature ; il décrit, preuves à l’appui, comment fonctionne le cerveau humain pour s’adapter à la lecture, au décryptage de ces petits signes inventés par l’humanité il y a à peine 5000 ans, longtemps réservé à des élites, et généralisé à une bonne partie la population depuis quelques décennies seulement (encore environ 800 millions d’illettrés dans le monde). Puis il montre comment ce décryptage est bénéfique à ceux qui le pratiquent avec constance et en font une habitude.

Michel Desmurget a d’abord étudié la littérature scientifique dédiée à tout ce qui influence positivement le développement des enfants ; et la lecture de livres ressort comme étant ce qui apporte les bénéfices les plus profonds, transversaux et généralisables dès le plus jeune âge. Il s’agit bien de la lecture de livres et préférablement de livres de fiction dont Michel Desmurget montre les vertus, comparés aux autres formes littéraires et encore plus aux autres médias. Ces bénéfices devraient profiter à tout le monde, d’autant que la lecture est un plaisir et que ce plaisir et ses bénéfices forment un cercle vertueux. Si tel n’est pas le cas pour de nombreux jeunes, c’est que quelque chose a été loupé quelque part. L’auteur fait alors apparaître le rôle primordial de l’environnement familial, notamment celui des parents, dans l’éducation au plaisir de la lecture. Si le rôle de l’école est d’abord d’apprendre aux enfants à décoder, ce que l’on appelle « apprendre à lire », le rôle des parents, qu’ils soient eux-mêmes lecteurs ou non-lecteurs, est primordial, depuis les premiers jours de vie de l’enfant, pour l’amener au plaisir de lire,  : raconter des histoires, encore et encore, commenter des images, partager son vécu, son histoire, sa culture, puis passer à la lecture partagée, et continuer celle-ci bien après que l’enfant eut appris à lire. L’auteur donne même an annexe des « trucs » pour aider les parents à guider leurs enfants sur le chemin de la lecture.

Les études montrent que lire est un plaisir qui implique de nombreux bénéfices, documentés, sur la construction cérébrale ( développement de l’intelligence, enrichissement langagier et cognitif, stimulation de la créativité), sur le développement des aptitudes émotionnelles et sociales ( élargissement du vécu hors de sa propre vie, appréhension de la complexité du monde et de la société, compréhension des autres et développement de l’empathie), et enfin également en terme de réussite scolaire, universitaire et professionnelle. Pourtant, force est de constater, grâce aux enquêtes PISA, l’effondrement de la lecture de livres dans notre pays et dans la plupart des pays de l’OCDE, hormis les pays asiatiques, alors même que nous connaissons depuis longtemps le rôle de la lecture de livres sur le développement de l’individu, mais aussi sur celui des sociétés, sur le PIB, et sur le niveau de démocratie des pays en fonction du niveau de lecture de leurs jeunes. L’usage déraisonnable des écrans est l’une des principales causes de cet effondrement, comme l’avait déjà démontré Michel Desmurget dans son précédent ouvrage La Fabrique du crétin numérique.

Alors, Faites-les lire !, n’est plus seulement un cri du cœur, mais plutôt l’expression d’une nécessité pour affronter le monde de demain. Le livre de Michel Desmurget nous donne les armes pour comprendre les enjeux de la lecture, mais aussi les moyens d’une stratégie pour répondre à ces enjeux : « Dans tous les domaines, les bénéfices sont profonds et détectables de 15 à 30 minutes de lecture quotidienne. » nous dit-il.

> FAITES-LES LIRE. Pour en finir avec le crétin digital
> Lire l’Entretien avec M. Desmurget par Olivier Delahaye
> www.seuil.com

COMMENT J’AI APPRIS A LIRE. Agnès Desarthe
de Olivier Delahaye

Ce livre aurait pu s’appeler Quand je n’aimais pas lire. Dans ce récit qui est une véritable enquête introspective, la normalienne et agrégée d’anglais Agnès Desarthe aborde, à travers sa propre expérience, le sujet sensible du rejet de la lecture. Celui-ci dépasse de loin sa propre expérience ; ce rapport difficile à la lecture qu’elle décrit fait écho à  bien d’autres situations vécues par des jeunes aux profils très différents. Lorsqu’Agnès Desarthe écrit «  A dix ans, j’entre en sixième. Je déclare que je n’aime pas lire. », cela  ressemble à une revendication, qui, bien que motivée par un contexte social très différent, rappelle le livre de Danièle Sallenave « Nous, on n’aime pas lire » qui reprenait dans son titre les propos tenus devant elle par des jeunes du lycée La Marquisanne de Toulon pour lesquels la littérature, l’histoire, la culture étaient au mieux des abstractions, et plutôt des marqueurs de l’échec scolaire, voire de l’exclusion sociale dont ils se sentaient les victimes. Pour eux, notait Danièle Sallenave, « L’apprentissage de la langue serait celui de la soumission à l’ordre établi. »

Agnès Desarthe, en remontant presque un demi-siècle vers les souvenirs de son enfance, nous montre la complexité de la réalité que peut recouvrir cette phrase « Je n’aime pas lire ». Partant du constat de cette aversion déclarée dès la petite enfance, elle mène une enquête passionnante et tire des fils entre les textes donnés à lire à l’école ou en famille et son vécu. Elle émet divers hypothèses qui divergent sans se contredire ; le sentiment de non-appartenance à cette culture inculquée par la littérature, le refus du conformisme littéraire à l’école comme dans les salons, la comparaison défavorable avec la richesse d’une autre langue que le français, chargée de tant d’émotions et de poésie, en l’occurrence la langue arabe parlée par son père, né en Libye, le sentiment de trahison des femmes de sa famille paternelle qui n’avaient pas accès à la culture, ou bien le télescopage dans sa psyché enfantine entre la découverte, à l’école, de la violence des garçons à l’égard des filles, l’histoire familiale marquée du côté de sa mère par l’expérience des camps de concentration, et cette littérature jugée par la petite fille porteuse de ces maux en filigrane.

Dans ce labyrinthe obscur et incertain en quête des raisons de ce « Je n’aime pas lire », Agnès Desarthe a été guidée par des lumières comme Guy de Maupassant, Marguerite Duras, Chester Himes et quelques autres jusqu’à l’éblouissement avec Isaac Bashevis Singer et Cynthia Ozick qui lui ouvrent les portes d’un jardin, d’un verger aux fruits abondants et savoureux. C’est le Pardès de la tradition hébraïque, la clef des quatre degrés de lecture des Écritures, mais aussi celle de la lecture des livres de manière générale.

> COMMENT J’AI APPRIS A LIRE > www.editionspoints.com

SILENCE, ON LIT! de Olivier Delahaye in Enfances & Psy 2023/2 (N°96), p. 73 à 78

« Le silence, le livre. Le silence et les livres. Faire le silence pour lire. Lire en silence plutôt qu’à voix haute. Lire sur les lèvres. La lecture serait-elle la porte d’entrée du monde du silence ? Le silence serait-il l’alpha et l’oméga de la lecture, sa condition et son but ultime ? Faire le silence en soi pour que puissent s’y développer nos pensées, notre imagination, notre rapport au monde. Le silence est un terreau fertile dans lequel nos lectures plantent des graines qui vont se développer.

Silence, On Lit! n’est donc pas une injonction, encore moins un ordre ni un appel à respecter ceux qui lisent. Le silence est le compagnon de la lectrice ou du lecteur, le premier avec lequel on partage l’émotion, la compréhension ou l’incompréhension, de ce qu’on lit, ce silence qui nous entoure pendant notre lecture et s’infiltre en nous, nous pénètre et nous accompagne autant qu’il nous transforme : Mais qu’est-ce qu’elle raconte, là ? Il est fou ! Elle a fait cela, quelle femme ! Comme c’est beau ! J’ai envie de pleurer. J’ai la gorge serrée. C’est trop triste, c’est terrible ! Attends, je ne comprends pas. Je ne savais pas, je n’imaginais pas ! C’est comme cela que je voudrais vivre. C’est ce que je ferai plus tard. Je lis et les barreaux de ma prison disparaissent. Il y a d’autres vies que celle que je mène!« 

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LA LECTURE NUMÉRIQUE VERSUS LA LECTURE PAPIER

Avantage au livre papier

« Rien ne vaut le livre papier. Les lecteurs de livres ont de meilleures compétences en lecture que ceux qui ne lisent jamais de livre.  L’OCDE le démontre sans difficulté et ce n’est pas une découverte. Pas plus que le lien entre la position sociale et la lecture de livres. Mais qu’en est il quand les livres deviennent digitaux ?  Selon l’OCDE les lecteurs de livres papier ont de bien meilleures compétences en lecture que les lecteurs d’ouvrages digitaux. Et ils tirent beaucoup plus de plaisir de leur lecture. Une réalité nettement affirmée qui interroge. »

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PORTRAITS ET VÉCUS DE LECTEURS EN SITUATION DE SOUTIEN DANS LE CADRE DU PROJET « SILENCE, ON LIT! » Mémoire soutenu par Rachel Wyss, enseignante à l’école primaire Châtelaine de Genève dans le cadre du CAS (Certificat de formation continue) en Soutien pédagogique/2020. Direction : Carole Veuthey – Université de Genève

SILENCE, ON LIT! (SOL!) est une pratique instituée depuis plus d’une année au sein de notre école et j’ai souhaité par le biais de ce travail mieux comprendre ce qui s’y passe pour nos élèves en situation de soutien et éloignés de la culture écrite. Suivre leur cheminement dans leur rapport à la lecture, se pencher sur les effets et succès/ou non de ce dispositif en questionnant ce qui, tous les jours à 10h00, plonge toute notre école dans un silence impressionnant pour nous faire entrer ‘en lecture’… Ce travail m’a offert également la possibilité de mettre en lumière les apports de SOL! et ainsi donner une certaine visibilité au projet tant auprès des élèves que des enseignants qui ne perçoivent pas toujours la valeur ajoutée du projet, notamment pour les élèves en difficulté. Les questions d’étude ont été définies par une série de constats que la mise en place du dispositif a permis d’approfondir autour de la problématique suivante : Dans quelle mesure un dispositif comme SOL permet d’accompagner des élèves en situation de soutien dans la construction de leur identité de lecteur ?

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LES LIVRES, C’EST BON POUR LES BÉBÉS de Marie Bonnafé

Si besoin était, la lecture du livre de Marie Bonnafé ne peut que nous convaincre des bénéfices multiples de la lecture de livres dès le plus jeune âge. Marie Bonnafé est, par son métier et par son expérience, une personne autorisée à parler de ce sujet ; pourtant son approche, ni théorique ni dogmatique, privilégie la simplicité, le pragmatisme et l’accessibilité. S’appuyant sur plusieurs décennies de pratique avec des petits enfants, elle propose dans ce livre court mais très riche, le résultat de ses expériences, de ses réflexions, du travail fait à différents niveaux, professionnel et associatif, et d’études menées ici et là ;  son livre montre les bienfaits des livres sur le développement cérébral et psychique des enfants et sur leur bien-être, mais aussi sur celui des adultes et des familles. Marie Bonnafé rappelle l’importance de communiquer avec les bébés et les jeunes enfants, de leur consacrer du temps, de partager des choses et notamment des histoires, de faciliter leurs rencontres avec les livres tout en respectant leurs choix, leur fantaisie… Familiariser les jeunes enfants avec les livres, mais aussi avec les contes (qu’ils soient lus ou simplement racontés), c’est offrir à l’enfant l’accès au langage du récit, (différent du langage factuel) qui ouvre entre autres les portes de l’imaginaire ; c’est répondre au besoin fondamental de temps et d’espace de liberté, surtout chez ceux dont la famille connaît de grandes difficultés matérielles au quotidien ; c’est nourrir l’intérêt pour l’écrit qui existe chez les tout-petits et qui doit être entretenu afin qu’il ne disparaisse pas ; c’est donner à l’enfant plus de chance de jouir du monde dans lequel il vit. « Le fait de rester à l’écart de la culture écrite contribue à couper le sujet de la peinture, de la musique, du théâtre, car le livre donne aussi accès aux autres pratiques culturelles. » rappelle Marie Bonnafé.
Il est beaucoup question de temps et de plaisir partagés entre adultes et enfants, mais aussi d’humilité, de prudence et de liberté dans ces démarches ; ces échanges que sont les lectures, les contes, les récits ne doivent pas avoir un but d’enseignement, mais doivent plutôt constituer des terrains vagues dans lesquels l’enfant va pouvoir jouer, expérimenter, apprendre, être heureux, se familiariser avec les livres, avec la société, avec les autres, avec le monde imaginaire. Et si l’accoutumance à l’univers des livres et des récits facilite l’apprentissage scolaire, les enjeux de la lecture dépassent le seul cadre scolaire: « Il y a dans notre expérience une ruse : nous cherchons à étendre la diffusion de livres aux plus petits pour gagner l’ensemble du groupe familial, la fratrie, et par là le groupe social dans son entier. »
L’association Silence, On Lit ! pourrait revendiquer un tel propos.
Olivier Delahaye

 > Ed Fayard-Pluriel

LIVRES HEBDO MAGAZINE : Une enquête de Marine Durand dans Livres Hebdo Magazine fait le point sur la lecture

Si le constat de la désaffection de la lecture est unanime et persistant depuis des années, des décennies, (« les plus de 15 ans lisent de moins en moins… 62% de nos concitoyens ont lu un livre en 2018, 11 points de moins par rapport à 1988… diminution du nombre de lecteurs assidus … » ) les consciences de l’urgence de la situation et les bonnes volontés sont nombreuses à tenter de faire regagner du terrain à la lecture. Cela se traduit en initiatives associatives, éditoriales, territoriales, gouvernementales, technologiques, socio-culturelles, traditionnelles, numériques, locales, nationales ou internationales, ayant pour cibles les jeunes comme les adultes. A la lecture de cette enquête on se dit qu’il serait bon que ces acteurs aux approches si différentes mettent en commun leurs expériences pour lancer des actions communes.

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LA FABRIQUE DU CRÉTIN DIGITAL de Michel Desmurget par Danièle Sallenave et Olivier Delahaye

On ne peut que recommander la lecture du livre du docteur en neurosciences cognitives et directeur de recherche à l’Inserm, Michel Desmurget, qui publie à la fois une somme sur l’état des recherches et des études réalisées dans le monde sur l’impact de la consommation du numérique sur les jeunes et explique comment nous sommes en train d’assister non pas à l’avènement d’un nouvel humain, l’homo numericus, véritable contradiction dans les termes pour Michel Desmurget, mais d’une génération gravement atteinte dans son développement intellectuel, émotionnel, relationnel par l’omniprésence des écrans. Michel Desmurget bat en brèche des idées reçues sur le sujet, et montre quels ravages font dans ce domaine comme dans bien d’autres (le tabac, le climat, l’alcool…) la recherche effrénée du profit à tout prix, le lobbying, l’imposture d’experts qui parlent sans savoir, notre acceptation d’idées séduisantes mais peu étayées et la propagation sans contrôle par les médias d’idées erronées. Jouant à dessein sur notre croyance naïve dans les pouvoirs infinis de la technique, comme source d’un progrès et d’une amélioration continue de notre condition. Au rebours des discours fumeux, intéressés ou cyniques des uns et des autres Michel Desmurget appuie son propos sur des faits et des études dont les résultats ont été approuvés par la quasi unanimité des scientifiques. Le constat est alarmant, mais les solutions ne sont pas si compliquées. Il ne s’agit pas de refuser les bienfaits du numérique, mais d’en garder le contrôle et d’en éviter les ravages réels. La lecture de son livre est passionnante (truffée de faits, de références et d’anecdotes parfois étonnantes) et pédagogique (elle nous apprend notamment à nous méfier des « experts », à être exigeants et critiques dans nos lectures, à faire les bons choix pour le développement de nos enfants). Michel Desmurget nous rappelle que la relation humaine doit être au cœur du développement du cerveau humain, non pas au nom d’un bon sens du café du commerce, mais parce que le spécialiste qu’il est dans ce domaine sait et nous montre que tout se joue depuis la naissance entre humains, et que l’intrusion des écrans dans cette relation ou la substitution des écrans à ce lien humain sont dévastatrices, aussi bien dans l’enseignement (le milieu scolaire et universitaire) que au sein des familles. Comme pour le climat, on ne pourra pas dire que nous ne savions pas. Michel Desmurget nous le dit et nous dit que beaucoup d’autres nous le disent depuis des années. Dans son analyse du développent cérébral, le livre, le livre papier, tient une place primordiale, pour l’apprentissage de la langue, l’enrichissement du vocabulaire, le développement de la compréhension des textes et de la complexité du monde : « Au-delà des âges précoces , le langage demande bien plus que des paroles pour assurer son déploiement ; il demande des livres. » Et le langage des livres, même des livres pour enfants et des BD, est bien plus riche que celui de nos conversations quotidiennes et que celui des écrans. … « Au-delà d’un socle fondamental, oralement construit au cours des premiers âges de la vie, c’est dans les livres, et dans les livres seulement que l’enfant va pouvoir enrichir et développer pleinement son langage. » « Nous devrions apporter aux enfants, indépendamment de leur niveau, autant d’expérience de lecture qu’il est possible. […] il existe au moins une habitude partiellement malléable qui par elle-même développe des compétence – LIRE !  [… ] plus le temps d’écran est important, moins les enfants sont exposés aux bienfaits de l’écrit. »
Alors, Silence ! On lit !

> La Fabrique du crétin existe aussi en Poche > au Points-Seuil

Citations et témoignages

C’est l’histoire d’une prof doc qui n’aimait pas les livres. Est-ce le titre d’une nouvelle fiction ?

Non, c’est mon histoire. Petite fille, collégienne, lycéenne, je ne lisais pas. Je ne lisais pas avec plaisir. Je n’y trouvais aucun intérêt. Mes temps de lecture se limitaient à Okapi et aux livres imposés par les profs de français. Y avait-il un CDI dans mon collège ? Je ne le sais même pas car une chose est sûre, je ne le fréquentais pas ! Et plus ma mère me disait de lire, moins je lisais. J’ai pourtant grandi heureuse, occupant mon temps à d’autres activités. Et puis à l’âge de 20 ans, une nouvelle amie, M., dévoreuse de livres, m’a mis dans les mains un livre de poche et ce fut une belle rencontre. Je venais de découvrir le plaisir de lire ! Je me souviens de mes débuts de lectrice : les Chroniques de San Francisco lues avec passion, enchaînant les tomes avec frénésie. Depuis, je pense avoir rattrapé le temps « perdu » et 30 ans plus tard, je suis devenue une dévoreuse de livres et j’en ai fait mon métier ! J’échange toujours avec mon amie M, qui elle -sans surprise- est devenue libraire ! Alors, lorsqu’un élève m’avoue honteusement à voix basse qu’il n’aime pas lire, ou qu’il s’enorgueillit haut et fort qu’il déteste les livres, je jubile ! Mon pouvoir d’empathie est décuplé et commence alors pour moi la quête du livre qui va déclencher la découverte du plaisir de la lecture.

AC, professeur-documentaliste dans un collège en éducation prioritaire